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L’unification du marché aérien en Afrique est une bonne chose ; le développement d’un réseau ferroviaire serait une meilleure option

L'Afrique a tout ce qu'il faut pour développer un réseau ferroviaire entièrement électrique reliant l'ensemble de ses 54 économies nationales
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Les principaux responsables du transport aérien en Afrique ont commencé l’année 2023 le moral au beau fixe. Et pour cause ! Dix-huit pays ont accepté d’accélérer la mise en place du marché unique du transport aérien africain (MUTAA). Cela veut dire que la moitié des 35 pays qui ont ratifié cette initiative sont prêts à la mettre en œuvre au plus vite. L’unification du marché aérien en Afrique présente évidemment de nombreux avantages. Toutefois, l’Afrique ne doit pas perdre de vue les options plus écologiques et moins coûteuses, comme le développement d’un réseau ferroviaire intégré à travers le continent.

La promotion du MUTAA est une initiative de l’Union africaine dans le cadre de l’Agenda 2063 et devrait apporter de grands avantages. On estime que l’augmentation du trafic ajoutera 4,2 milliards de dollars au PIB annuel du continent et créera plus d’un demi-million d’emplois. Plus important encore, l’avantage immédiat est que le prix des billets d’avion devrait baisser de 27 %. En effet, lorsque deux pays ou plus déclarent un marché unique du transport aérien, les tarifs des vols qui les relient deviennent considérablement plus avantageux, étant donné que le prix du billet ne comprend plus les frais imposés par les régulateurs du trafic aérien et les autorités fiscales de ces pays. En d’autres termes, l’opérationnalisation du MUTAA est l’aube d’une nouvelle ère où le transport aérien cessera d’être la chasse gardée des riches.

Et qui plus est ? Le mouvement en faveur du MUTAA pourrait bénéficier d’un accélérateur externe qui en ferait une réalité encore plus rapidement. Les grands acteurs de l’aviation, en particulier en Amérique et au Moyen-Orient, lorgnent sur les transporteurs aériens africains dans lesquels ils souhaitent prendre une participation et prendre pied sur le marché en expansion du continent. Dans leurs négociations, ces acteurs extérieurs soutiendront naturellement le MUTAA, à l’instar de l’Union Africaine. En outre, plusieurs gouvernements africains courtisent les opérateurs externes, et certains ne sont même pas opposés à la vente pure et simple de leurs opérateurs nationaux à des opérateurs externes. Ils estiment qu’il n’y a pas grand intérêt à exploiter une compagnie aérienne déficitaire simplement parce qu’elle porte le drapeau du pays. Quoi qu’il en soit, le train a quitté la gare et il n’y aura pas de retour en arrière.

Mais si l’Afrique veut vraiment faciliter la circulation des personnes et des marchandises tout en réduisant l’impact climatique de nos moyens de transport, il existe en effet une option moins chère et plus écologique pour les utilisateurs potentiels et les pays africains : le chemin de fer. La volonté de réduire le trafic aérien a déjà commencé à produire des effets dans d’autres endroits. La Chine possède déjà le plus grand réseau ferroviaire électrique du monde. En Europe, l’année 2023 est aussi une aube nouvelle pour le secteur des transports. La Commission de l’Union européenne vient d’approuver l’interdiction par la France des vols entre des destinations qui peuvent être reliées en deux heures et demie ou moins par train, à compter du 1er janvier .

Si elle est appliquée par d’autres pays européens, cette interdiction permettra de désengorger le ciel européen, car les vols courts représentent une part importante du trafic aérien. Bien que les opérateurs aériens (qui ont perdu des marchés) et les voyageurs (qui passeront plus de temps à voyager et se sentiront incommodés) soient encore amers au sujet de cette décision, c’est un gain important pour les militants écologistes.

En effet, les avions sont de grands coupables d’émissions de gaz carbonique. Les gros avions comme le Airbus A380 ou le Boeing 747 peuvent brûler 130 000 litres de carburant pour un vol de 10 heures. Mais les émissions sont plus importantes pour les vols courts, car un avion consomme plusieurs fois plus de carburant par seconde lorsqu’il décolle et monte jusqu’à ce qu’il atteigne son altitude de croisière, où sa lutte contre la gravité diminue. Ainsi, sur les vols de courte durée, l’avion est encore en train d’engloutir du carburant, lorsqu’il commence à descendre vers sa destination. Une analogie plus simple serait de conduire une voiture en première vitesse pendant une heure.

Pensez maintenant aux vols internationaux en Afrique, par exemple entre les aéroports de Kigali (Rwanda) et Entebbe (Ouganda), Kigali et Bujumbura (Burundi), Bujumbura à Kigoma (Tanzanie), Entebbe et Nairobi (Kenya). Tous ces trajets internationaux ne prennent que quelques minutes, tandis qu’il faut un peu plus d’une heure pour aller d’Entebbe à Juba (Sud-Soudan). En outre, tous ces pays font déjà partie d’une union économique régionale, la Communauté d’Afrique de l’Est. Un marché aérien unifié est logique car les vols deviendraient moins chers et plus fréquents. Mais il s’agit de vols courts qui sont considérés comme très polluants. Et comme les vols “propres” ne seront probablement pas réalisables dans un avenir proche, il serait beaucoup plus logique d’abandonner les vols courts. Si la priorité donnée au chemin de fer sur l’avion fonctionne pour d’autres pays et continents, cela pourrait-il aussi convenir à l’Afrique ?

L’Afrique a tout ce qu’il faut pour développer un réseau ferroviaire entièrement électrique reliant l’ensemble de ses 54 économies nationales, déplaçant des millions et des millions de ses habitants chaque jour, bien plus que ne le feront les avions, même à la moitié du prix actuel des billets. Les billets de train seraient également moins chers. Et les trains transporteraient aussi la quasi-totalité des marchandises afin de promouvoir le commerce intra-africain, sans parler des avantages climatiques liés à l’adoption du chemin de fer électrique comme principal moyen de transport.

L’Afrique possède la majeure partie de ce qu’il faut. Par exemple, dans la seule petite région au sud-ouest de l’Ouganda, il y a suffisamment de fer de haute qualité pour construire un réseau ferroviaire couvrant toute l’Afrique. Et près de l’extrémité occidentale du puissant fleuve Congo se trouvent les chutes d’Inga, qui peuvent générer suffisamment d’énergie électrique propre pour alimenter à jamais le réseau ferroviaire panafricain. La technologie et l’argent nécessaires à la réalisation de ces projets peuvent être mobilisés à partir des immenses richesses du continent.

Mais aujourd’hui, nous voyons des pays africains qui sollicitent et négocient séparément avec des prêteurs extérieurs pour financer leurs chemins de fer. Ces initiatives isolées ont peu de chances de jouer en faveur de l’Afrique. Par exemple, les deux économies les plus liées d’Afrique de l’Est, le Kenya et l’Ouganda, qui sont aussi liés que des jumeaux siamois, ont maintenant admis qu’ils pourraient ne jamais relier leurs chemins de fer dans un avenir prévisible – car chacun utilise différentes jauges, différents fournisseurs, différents prêteurs – bien qu’ils aient passé des décennies à discuter de la façon de les relier. Les prêteurs d’argent, bien sûr, prêteront à condition que les entrepreneurs viennent de leur pays et insisteront sur des conditions qui ne manqueront pas d’appauvrir l’emprunteur au bout du compte. Ces pratiques sont connues depuis bien avant l’indépendance.

L’Union Africaine peut encore, espérons-le, réexaminer la stratégie de transport continental et voir si elle ne devrait pas consacrer davantage d’efforts à la création d’un réseau ferroviaire unifié.

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