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L’accord de libre-échange historique de l’Afrique est-il bloqué ou en train d’avancer?

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Lorsque les échanges commerciaux dans le cadre de l’accord portant création de la Zone de libre-échange continental africaine (ZLECAf) ont officiellement débuté le 1er janvier 2020, cela a marqué le début d’une nouvelle ère pour le commerce intra-africain. À l’époque, la ZLECAf était la plus grande zone de libre-échange du monde. L’accord phare de l’Afrique a été salué comme un changement de donne qui créerait un marché unique à l’échelle du continent, ajoutant jusqu’à 70 milliards de dollars au commerce entre pays africains et permettant à 50 millions de personnes de sortir de l’extrême pauvreté. Un an et demi plus tard, la ZLECAf semble avancer péniblement sur sa piste de décollage, à la recherche d’un élan. Le buzz qui l’a propulsé dans la conscience populaire lors de son entrée en vigueur en mai 2019 après la ratification par la Gambie semble s’estomper. Et il y a plusieurs raisons à cela.

Premièrement, l’accord ne semble pas être bien compris par certains groupes d’intérêt parmi lesquels on retrouve les plus importants : “Les entreprises africaines n’ont pas une compréhension claire des mécanismes de fonctionnement de la ZLECAf et des opportunités de marché au niveau continental“, peut – on lire dans un article de la Brookings Institution écrit par des représentants de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique . Il est de mauvais augure qu’une opération panafricaine qui a mis une décennie à voir le jour reste plutôt vague pour les entreprises. Les ministres du commerce et les envoyés des Etats africains semblent avoir passé plusieurs heures à se convaincre mutuellement des avantages du libre-échange sans en faire assez pour impliquer ceux qui feront réellement ces échanges commerciaux. Ce genre de faux pas dans le déploiement des politiques est malheureusement courant sur le continent, ce qui confirme l’argument de certains analystes politiques selon lequel les pays africains ont tendance à manquer de planification avant la mise en œuvre.

Deuxièmement, le système panafricain de paiement et de règlement, ou PAPSS, qui est censé faciliter le commerce intra-africain, n’a pas encore obtenu l’adhésion des 54 pays signataires (l’Érythrée ne devrait pas rejoindre la partie de sitôt). Le PAPPS est conçu comme le système centralisé de paiement et de règlement de l’Afrique, reliant les banques centrales, les banques commerciales et d’autres institutions financières pour des paiements transparents et en temps réel, notamment pour le commerce. En exerçant leur indépendance financière, les Africains pourront effectuer des transactions et régler des paiements en monnaies africaines en quelques minutes grâce au PAPPS. Cependant, seules 8 banques centrales, principalement en Afrique de l’Ouest anglophone, font partie du réseau. Un effort est en cours pour persuader toutes les banques centrales, y compris l’indispensable Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest en charge du franc CFA ouest-africain dans 8 pays, d’y adhérer d’ici fin 2024. Sur les quelques 763 banques commerciales que compte l’Afrique, seules 28 sont actuellement connectées au PAPPS. Les autres devraient y adhérer d’ici 2025 environ.

Il convient de noter que si des innovateurs technologiques du secteur privé ont fondé des entreprises de traitement des paiements (telles que Paystack, Flutterwave, MFS Africa, Zeepay et Yoco) pour résoudre la fragmentation des transactions financières à travers l’Afrique, le PAPSS constitue l’effort le plus significatif d’un organisme africain bilatéral pour intégrer les paiements sur le continent. En effet, le PAPSS intègre le travail déjà effectué par ces entreprises de technologie financière. Soutenu par l’UA (par l’intermédiaire de la Banque africaine d’import-export), sa promesse unique est que les règlements des paiements entre les entreprises de différents pays africains ne seront plus coûteux et longs en raison du coût des banques correspondantes en dehors de l’Afrique et des transactions dans des devises comme le dollar américain.

Troisièmement, il a fallu du temps à la ZLECAf pour finaliser les termes qui font bénéficier aux marchandises un traitement préférentiel basé sur la nationalité de ces marchandises. Ces conditions sont appelées « règles d’origine » dans le jargon du commerce international. Étant donné que l’accord initial établissant la ZLECAF ne précisait pas les critères et les conditions de ces règles d’origine, cette question a été laissée en suspens pour des réunions ultérieures. La première version du manuel des règles d’origine a été publiée en juillet de cette année. Elle vise, entre autres, à “permettre aux agents des douanes et aux autres parties prenantes impliquées dans le dédouanement des marchandises de comprendre les mécanismes d’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel aux marchandises échangées dans le cadre de la ZLECAf“. La ZLECAf a l’intention d’éliminer les droits de douane pour 90% des marchandises produites en Afrique, mais cela ne sera qu’un vœu pieu tant que les pays membres ne savent pas clairement quand leurs marchandises sont exemptées ou non. Les meilleures pratiques exigent que les règles soient “simples, pratiques et favorables aux entreprises afin de permettre aux entreprises africaines d’optimiser les gains commerciaux” tout en conduisant à “un processus de transformation qui génère de la valeur par le biais de gains de propriété intellectuelle et/ou de nouveaux emplois“, comme le décrivent les experts de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. Les entrepreneurs africains ont enfin une chance réelle de reprendre plus facilement l’échange de biens et de services après avoir été entravés pendant des décennies par les effets néfastes des cloisonnements colonialistes.

Il est certain que l’incompréhension de la communauté des affaires n’a pas paralysé la ZLECAf. À cet égard, Wamkele Mene, son secrétaire général, a renforcé son engagement auprès des entreprises ces derniers temps, en rencontrant en Novembre dernier les PDG d’entreprises sud-africaines afin de favoriser “le début d’échanges commerciaux significatifs”. Plus important encore, avec la mise en place des règles d’origine, un programme commercial pilote dans le cadre des règles de la ZLECAf a débuté en juillet, impliquant le Rwanda, le Cameroun, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, l’île Maurice et la Tanzanie. Connu sous le nom d’initiative de “commerce guidé”, ces pays devraient tester les documents de l’accord commercial et les procédures douanières réformées avec des expéditions réelles de marchandises jusqu’en septembre 2022. La réussite de ce projet pilote serait la meilleure garantie à ce jour du bon fonctionnement de la ZLECAf.

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