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La politique de valorisation de minerais de la Namibie et du Zimbabwe mènera-t-elle à leur renaissance économique ?

Si les gouvernements du mouvement de libération de la Namibie et du Zimbabwe peuvent éviter leur penchant pour le néo-patrimonialisme et le clientélisme, les politiques de valorisation peuvent constituer une étape importante vers la réalisation d'un développement économique souverain
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L’Indaba inaugural de Londres, qui s’est déroulé le 26 juin 2023 sur le thème de l’investissement dans les ressources et l’exploitation minière en Afrique, a suscité un débat intense sur les récentes mesures prises par la Namibie et le Zimbabwe pour interdire l’exportation de minerais stratégiques bruts. Le débat est motivé par le fait que ces interdictions sont contraires aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui condamnent la nationalisation des ressources. Cependant, une question plus importante est de savoir si ces interdictions peuvent être bénéfiques pour les pays africains riches en ressources à une époque où les minerais de la transition énergétique sont considérés comme ayant une valeur existentielle.

L’année dernière, le Zimbabwe a décidé d’interdire les exportations de lithium brut après avoir fait état d’une perte de 1,8 milliard d’euros due à l’exportation du minerai en tant que tel, au lieu de chercher à le valoriser et à le transformer en batteries. Dans une démarche similaire, le gouvernement Namibien a annoncé qu’il interdisait l’exportation de minerais critiques non traités, tels que le minerai de lithium broyé, le cobalt et les métaux et éléments de terres rares comme le dysprosium et le terbium, au début du mois de juin de cette année.

Les deux pays n’ont pas profité des opportunités économiques offertes par le traitement de ces minerais. Le lithium, en particulier, est actuellement très demandé. Reconnu comme un “minerai de transition énergétique”, le lithium est essentiel à la création de batteries durables et performantes. Les batteries lithium-ion constituent également la solution pour maximiser l’utilisation de l’énergie éolienne et solaire, car elles sont réputées pour leur capacité à stocker de grandes quantités d’énergie en vue d’une utilisation à l’échelle d’un réseau et pour la polyvalence de leurs applications. Dans le cas de la Namibie, les éléments de terres rares sont également essentiels pour les aimants permanents qui sont indispensables aux éoliennes et aux moteurs des véhicules électriques. Le passage à des systèmes énergétiques plus écologiques et plus propres a entraîné une augmentation considérable de la demande de ces minerais.

Valoriser ou ne pas valoriser

La triste vérité est que les ressources africaines ont toujours été positionnées pour être orientées vers le circuit international, pour bénéficier à des acteurs extérieurs plutôt qu’à leurs propres nations. C’est pourquoi des phénomènes tels que la malédiction des ressources ont été largement explorés, conduisant à la conclusion douteuse que nos ressources nous nuisent plus qu’elles ne nous profitent. Il va sans dire que cette conclusion repose souvent sur des analyses réductrices, la plupart d’entre elles négligeant les nombreux courants capitalistes mondiaux qui influencent la trajectoire économique des pays africains riches en ressources comme la RDC.

La valorisation est l’une des politiques qui cherchent à inverser le regard tourné vers l’extérieur en veillant à ce que les pays africains puissent tirer davantage profit de leurs ressources. L’amélioration est un processus de valorisation qui traite le minerai brut en éliminant les gangues minérales pour produire des minerais raffinés dont la valeur de vente à l’exportation est plus élevée. Il s’agit d’une stratégie qui transforme la dotation en ressources minières d’un pays en un avantage concurrentiel national plutôt qu’en une malédiction. La Vision minière pour l’Afrique (VMA) de l’Union africaine a identifié la valorisation comme un mécanisme clé pour permettre à l’Afrique de mieux tirer parti de ses ressources.

L’appréhension suscitée par l’évolution de la Namibie et du Zimbabwe vers la valorisation est ancrée dans les principes fondateurs de l’OMC. Dans d‘autres cas, le groupe spécial de l’OMC s’est opposé à cette pratique, la jugeant incompatible avec l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de l’OMC. L’accord au titre de l’article XI:2(a) n’encourage l’interdiction des exportations que lorsqu’elles sont liées à une pénurie critique. Certains affirment que les interdictions initiées par le Zimbabwe et la Namibie n’ont pas été décidées en réponse à une pénurie susceptible de leur être préjudiciable, mais qu’elles ont plutôt été mises en œuvre pour nationaliser des minérais stratégiques. Il va sans dire que de tels arguments n’ont guère de sens dans un contexte où des nations puissantes ignorent les règles de l’OMC lorsque cela sert leurs intérêts, tout en veillant à ce que les exportateurs de minerais bruts, tels que la Namibie et le Zimbabwe, restent au bas de la chaîne de valeur.

Il est également avancé que ces réglementations sont préjudiciables à l’ère de la transition énergétique et que tous les mécanismes, et par extension les ressources, qui peuvent contribuer à la transition verte et à la lutte commune contre la crise climatique doivent être gérés à l’échelle mondiale. La logique veut que si des minerais comme le lithium, le dysprosium et le terbium peuvent contribuer à la décarbonisation, la création de mécanismes restrictifs empêchant leur distribution à l’échelle mondiale doit être contestée. Mais ces arguments ne résistent pas à un examen plus approfondi.

D’une part, la valorisation ne se traduit pas par une interdiction pure et simple des exportations de minerais. Elle ne résiste pas non plus à la transition. En fait, une interdiction pure et simple va à l’encontre de son objectif même, qui est d’améliorer les recettes nationales. L’initiative de la Namibie et du Zimbabwe ne fait qu’améliorer la position des pays en tant qu’acteurs essentiels de la transition verte, tout en mettant à disposition les ressources nécessaires pour catalyser la croissance économique et l’industrialisation. En outre, une industrialisation verte de premier plan peut faire passer l’Afrique de la périphérie au centre de l’économie verte mondiale, permettant au continent de développer un cadre pour ce à quoi peut ressembler une croissance durable.

Si les gouvernements du mouvement de libération de la Namibie et du Zimbabwe peuvent éviter leur penchant pour le néo-patrimonialisme et le clientélisme, les politiques de valorisation peuvent constituer une étape importante vers la réalisation d’un développement économique souverain. En particulier dans les pays en développement où les minerais ont été exportés de manière flagrante à leur valeur minimale, les politiques de valorisation encouragent le développement de capacités techniques pour le traitement des minerais. Pour la Namibie et le Zimbabwe, le défi consiste à maintenir le cap de cette décision et à utiliser les recettes de la valorisation pour réaliser la transformation économique tant attendue que promettent leurs initiatives louables.

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