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La coopération militaire entre le Bénin et le Rwanda, une solution à la crise du Sahel

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Les gouvernements, les analystes et les commentateurs du continent qui louent l’approche “solution africaine aux problèmes africains” en matière de développement sont, le plus souvent, peu enclins à joindre le geste à la parole. Ils sont prompts à demander conseil aux anciennes puissances coloniales et à adopter les programmes “prêts à porter” d’organisations internationales telles que les Nations unies, laissant, comme on peut s’y attendre, de piètres résultats dans leur sillage. Les relations bilatérales naissantes entre le Bénin et le Rwanda peuvent inverser cette tendance.

Éviter les rivalités entre superpuissances

Lors d’une visite en Afrique de l’Ouest en avril dernier, le président Paul Kagame a signé un accord de coopération militaire avec son homologue béninois, le président Patrice Talon. Au cours du point de presse qui a suivi, les deux chefs d’État ont indiqué que l’étendue de la coopération serait “illimitée”. Il s’agit d’un développement intéressant dans la région du Sahel, affectée par le terrorisme islamiste et des crises géopolitiques tendues.

Auparavant, et afin de relever les défis régionaux désastreux en matière de sécurité causés par le terrorisme islamique transnational, les pays d’Afrique de l’Ouest de la région se sont associés aux pays occidentaux pour apporter une réponse coordonnée. Malgré un budget de démarrage de 450 millions d’euros en 2017, la force régionale, baptisée G5 Sahel, n’a pas réussi à vaincre les insurrections qui ont continué de faire des victimes militaires et civiles de part et d’autre des frontières.

Pour ne rien arranger, la région du Sahel est désormais victime de la rivalité croissante entre les superpuissances. La région a longtemps été sous la domination de la France, car conserver lepré carré africain” (sphères d’influence) était sans doute la principale priorité de la politique étrangère de la France. Toutefois, des États comme le Mali, le Burkina Faso et la Guinée tournent aujourd’hui la page et élargissent le champ de leurs partenaires à des pays comme la Russie, dans un contexte d’accusations croissantes de sabotage de la part de la France, s’attirant ainsi les foudres des puissances occidentales et une couverture négative de la part de leurs médias grand public.

Il est toutefois intéressant de noter que des pays comme le Bénin, qui ont longtemps été épargnés par le fléau du terrorisme, se tournent désormais vers d’autres alternatives pour éviter d’être les dommages collatéraux d’une lutte sans fin entre les superpuissances. La coopération bilatérale avec un autre État africain semble être la voie privilégiée.

L’approche du Rwanda en matière de paix et de sécurité

L’approche du Rwanda en matière de paix et de sécurité est marquée par son histoire et par la réticence de la communauté internationale à sauver plus d’un million de personnes lors du génocide de 1994 contre les Tutsi. La recherche de la stabilité et la prévention d’une répétition du génocide (tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger) faisaient partie intégrante du cadre politique national et international du Rwanda après le génocide. C’est dans ce contexte difficile qu’est né l’engagement du Rwanda en faveur de la doctrine de maintien de la paix “Responsabilité de protéger” (R2P).

Cette approche de la sécurité humaine associe des engagements communautaires à un bilan irréprochable de ses soldats en matière de droits de l’homme. Par exemple, dans tous les endroits où la Force de défense du Rwanda (FDR) est déployée, le personnel militaire mène de nombreuses initiatives d’engagement communautaire telles que l’Umuganda (travail communautaire), ou fournit des soins médicaux gratuits.

Dans un contexte où les missions de maintien de la paix du monde entier ont été touchées par des scandales, la discipline des soldats de la paix rwandais et leur respect des populations locales sont devenus de plus en plus populaires. En effet, à partir de l’engagement réussi au Darfour en 2004, les troupes rwandaises ont acquis une réputation de combattants efficaces et fiables dans les nombreuses missions multilatérales où les FDR ont été déployées (comme au Libéria, au Sud-Soudan, au Mali, en Côte d’Ivoire et en Haïti).

En outre, une nouvelle approche bilatérale ciblée de la coopération militaire dans des pays comme la République centrafricaine ou le Mozambique a permis au Rwanda d’étendre son expertise en matière de sécurité, ce qui en fait l’une des forces militaires les plus expérimentées en matière d’insurrection sur le continent.

Pourquoi la sécurité au Sahel est-elle importante pour le Rwanda ?

Contrairement aux partenaires occidentaux traditionnels, le Rwanda ne subordonne pas sa coopération à un droit d’ingérence dans la politique intérieure de ses partenaires ou à des gains commerciaux avant de conclure un accord. Au contraire, le bénéfice que le Rwanda tire de ses interventions n’est pas de nature impérialiste ou pécuniaire. Il s’agit avant tout de considérations humanitaires. En outre, l’acquisition d’une réputation et d’une stature garantit au Rwanda un siège dans les discussions importantes, au-delà de ce que sa taille ou sa puissance économique peuvent impliquer. Cependant, ce ne sont pas les seules raisons pour lesquelles le Sahel est essentiel aux intérêts du Rwanda.

Du point de vue de la sécurité, la nature globale du terrorisme transfrontalier et ses formes changeantes constituent une menace pour les pays de tous les coins du continent. En faisant partie de la solution en Afrique de l’Ouest, le Rwanda vise à arrêter la dangereuse propagation du terrorisme en Afrique de l’Est et au-delà. Au Mozambique, par exemple, il a été essentiel de permettre un contrôle rapide du gouvernement à Cabo Delgado pour éviter que cette région ne devienne un foyer de terrorisme.

D’un point de vue économique, le Rwanda est un champion de l’intégration économique africaine, grâce au leadership du président Kagame sur les réformes de l’Union africaine et à son plaidoyer énergique en faveur de la mise en œuvre de l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA). En tant qu’économie enclavée et à petite échelle, le Rwanda sait que son propre développement dépend de la prospérité de son continent. Dans sa vision 2050, le Rwanda vise à devenir un pays à revenu élevé avec une croissance soutenue au cours des 20 prochaines années. Ce n’est qu’en exploitant les opportunités économiques du marché africain que cette vision pourra devenir réalité.

Quoi qu’il en soit, il est primordial que les pays africains adoptent l’approche panafricaine de la sécurité du Rwanda, car la poursuite des intérêts collectifs africains, économiques ou autres, en dépend. Pour paraphraser un expert rwandais en matière de sécurité, “l’insécurité quelque part [en Afrique] est une menace pour la sécurité partout”.

 

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