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La clé du succès de la ZLECA est la politique industrielle, pas la politique commerciale

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Au début du mois d’Octobre de l’année dernière, le secrétaire général du secrétariat de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), Son Excellence Wamkele Mene, s’est entretenu avec le groupe de réflexion sur les affaires mondiales Overseas Development Institute (ODI) et a indiqué les quatre principaux défis qui freinent le commerce intra-africain : la fragmentation du marché, les petites économies, le manque de capacité industrielle et l’exportation continue de matières premières vers les marchés traditionnels du Nord. Lorsque l’on décortique ces défis, il devient évident que la politique la plus importante que les gouvernements africains doivent mettre en place est la politique industrielle, et non la politique commerciale.

Il est important de préciser que la politique industrielle ne signifie pas politique manufacturière. Le champ d’application de la politique industrielle comprend des industries telles que le tourisme, l’agriculture, l’exploitation minière et les services basés sur les technologies de l’information, ainsi que la coordination de secteurs clés comme l’énergie, la finance et les télécommunications. Il s’agit d’une politique visant à développer la capacité de production d’un pays en aidant le secteur privé à produire et à exporter des biens à valeur ajoutée, plutôt que des biens de première nécessité.

La politique industrielle est la plus importante de toutes les politiques économiques, car c’est la seule qui puisse apporter une cohérence entre les nombreux et divers ensembles de politiques économiques des gouvernements. C’est également la seule politique économique qui cible délibérément la restructuration de l’ensemble de l’économie vers une croissance globale. Les politiques monétaire, commerciale et fiscale, ne peuvent pas jouer ce rôle de direction et de coordination.

La politique monétaire, par exemple, concerne l’offre et la demande de monnaie, la gestion de l’inflation et la gestion des taux de change. Elle ne vise pas délibérément l’économie non-monétaire : la capacité d’un pays à produire des biens, à fournir des services, à créer des emplois et à augmenter les revenus des ménages.

La politique commerciale ne vise pas non plus volontairement la capacité d’un pays à produire des biens et à fournir des services. Elle se concentre sur l’amélioration de la capacité des pays à échanger des biens et des services avec d’autres, en assurant la libre circulation des marchandises à travers les frontières. Que le commerce concerne ou non des importations ou des exportations, des produits de base ou des biens à valeur ajoutée n’est pas sa principale préoccupation. C’est pourquoi, bien que la politique commerciale en Afrique au cours des trois dernières décennies ait été généralement bonne pour ouvrir les marchés et réduire les barrières transfrontalières, elle n’a pas réussi à relever les défis posés par les petites économies et la fragmentation du marché que S.E. Mene a mentionnés. Cela est dû au fait que le développement sectoriel et la facilitation du commerce sont deux choses différentes. En fait, le commerce a facilité les importations à valeur ajoutée et les exportations de matières premières, alors que ce dont on a bien plus besoin, ce sont les importations primaires et les exportations à valeur ajoutée. De plus, malgré les efforts de facilitation du commerce, les marchés africains n’ont pas été en mesure de se défragmenter autant qu’ils auraient dû l’être et les principaux intérêts commerciaux sont restés largement isolés et prudents à l’égard de la ZLECA.

De même, la politique budgétaire ne peut pas apporter la cohérence nécessaire autour de la capacité de production – même si, sur le papier, on pourrait soutenir qu’elle le pourrait par le biais du processus d’établissement du budget du gouvernement. La politique fiscale se préoccupe principalement de la stabilité fiscale, comme la politique monétaire se préoccupe de la stabilité monétaire. En fin de compte, l’accent est mis sur la gestion de la dette et le maintien de suivi des gouvernements tout en essayant de mobiliser autant de recettes fiscales à court terme que possible. Cela s’explique par le fait que la majorité des années fiscales dans la plupart des pays africains sont des années de crise budgétaire. Au cours des dernières décennies, des efforts ont été déployés pour intensifier les plans budgétaires à moyen terme conformément aux meilleures pratiques de gestion des finances publiques. Mais cette approche n’a pas vraiment entraîné de changements stratégiques et structurels dans de nombreuses économies du continent, car la politique budgétaire ne peut, à elle seule, guider les économies vers une croissance réelle des capacités des entreprises et des industries sans politique industrielle. C’est un peu la même raison pour laquelle le directeur financier d’une entreprise joue un rôle différent de celui du directeur général et du directeur de la stratégie et de production. La viabilité financière et le développement de la capacité à produire et à vendre des biens sont deux concepts différents, malgré qu’ils soient liés.

La politique industrielle peut apporter de la cohérence à toutes les politiques susmentionnées ainsi qu’à la politique de l’énergie, à la politique foncière, à la politique des transports, à la politique numérique, à la politique de l’éducation, etc. en fournissant un point de référence “réel” et clair de l’économie auquel elles peuvent toutes être ancrées. Elle y parvient de deux manières. Premièrement, elle permet un dialogue et une collaboration appropriés et constructifs avec ceux qui développent réellement la capacité de production d’un pays – le secteur privé – sur ce qui les empêche de se développer et d’investir. Deuxièmement, il canalise le retour d’information du secteur privé vers l’organisation gigantesque et à plusieurs dirigeants qu’est le gouvernement, donnant ainsi aux leaders gouvernementaux la possibilité d’identifier des solutions pratiques à des engorgements spécifiques et d’assurer le suivi de ces solutions. Ainsi, si une industrie qui a le potentiel d’exporter des produits à valeur ajoutée vers d’autres pays africains est confrontée à des engorgements en matière d’accès au marché, d’électricité, de compétences et de connectivité Internet, la politique industrielle joue un rôle de “centre d’échange” pour signaler aux parties prenantes de la facilitation du commerce, de l’électricité, de l’EFTP et du numérique – qui sont toutes des groupes disparates d’organisations et de personnes au sein du gouvernement ainsi que des acteurs non gouvernementaux, avec leurs propres priorités, points de vue, contraintes et problèmes – qu’elles doivent réagir et faire de leur mieux pour résoudre ces engorgements. Et il peut assurer la responsabilité interne et l’application, en utilisant les pouvoirs exécutifs du chef de l’État, pour garantir le suivi par ces parties prenantes. Avec des structures appropriées pour soutenir ces parties prenantes, cela permet une cohérence politique autour de problèmes, d’investissements et d’industries spécifiques autour desquels les dirigeants gouvernementaux – qui, nous devons le rappeler, sont des hommes politiques – peuvent se rassembler et s’organiser.

Ce dernier point est primordial. Dans son discours à l’ODI, S.E Mene a également fait allusion à un autre élément essentiel au succès de la ZLECA : l’implication directe des chefs d’État. Depuis des décennies maintenant, le secteur privé africain, créateur de valeur, a clairement indiqué que la condition la plus importante dont il a besoin est la cohérence des politiques des gouvernements, afin qu’il puisse planifier en conséquence et ne pas être confronté à trop de surprises qui perturbent ses plans. Si la politique fiscale, la politique de l’électricité, la politique foncière, la politique de l’EFTP, etc. vont dans des directions différentes, le secteur privé valorisant investit insuffisamment et ce, de manière significative. Seuls les chefs d’État et ceux qui sont directement habilités par ces derniers peuvent coordonner les différents ministères et agences gouvernementales qui élaborent ces politiques. Or, au cours des quatre dernières décennies au moins, les chefs d’État africains n’ont pas eu l’outil politique indispensable pour coordonner ces différentes politiques. Nous avons pensé, à tort, que les politiques monétaires, fiscales et commerciales pouvaient le faire – mais elles ont toutes montré qu’elles n’en étaient pas capables.

Pour que la ZLECA atteigne ses objectifs, il est temps de libérer le pouvoir de transformation de la politique industrielle afin que les chefs d’État puissent coordonner les gouvernements et laisser le secteur privé, créateur de valeur ajoutée, et les marchés inclusifs faire leur travail et accélérer le commerce intra-africain ainsi que l’industrialisation et la transformation économique du continent.

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