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Dans quelle mesure la perspective de la cessation des hostilités au Congo est-elle réaliste ?

L'objectif premier de l'accord de Luanda est de créer les conditions nécessaires au dialogue entre le gouvernement de la RDC et les groupes armés congolais, y compris le M23
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Le président du Burundi et président en exercice de la Communauté d’Afrique de l’Est, Evariste Ndayishimiye, a accueilli ses pairs régionaux pour un sommet d’urgence des chefs d’État qui s’est tenu à Bujumbura le 4 février 2023. Selon M. Ndayishimiye, l’un des objectifs du sommet était “d’aboutir à des décisions qui amélioreront la situation sécuritaire et faciliteront le rétablissement de la paix” dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), où l’armée congolaise continue de perdre du terrain face à la contre-offensive des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Les chefs d’État ont ordonné la cessation immédiate des hostilités en RDC et ont décidé d’accélérer le déploiement de troupes supplémentaires dans le pays. Si l’émergence d’un consensus régional sur les mesures nécessaires au rétablissement de la paix est à célébrer, il y a des raisons de penser que la trêve des hostilités, si elle a lieu, sera de courte durée.

La duperie comme stratégie politique

D’une part, le gouvernement de la RDC continue de recourir à la duperie pour faire avancer les ambitions politiques du président Tshisekedi. En effet, les politiciens, surtout ceux qui sont au pouvoir, admettent rarement qu’ils se sont trompés. Ceci est vrai pour les dirigeants européens qui s’obstinent dans une logique de sanctions qui nuisent aux économies de leurs propres pays, et ce ne sera probablement pas différent pour les dirigeants congolais qui ont placé leurs espoirs de réélection dans une insaisissable victoire militaire sur le Mouvement du 23 Mars (M23). Ainsi, à l’approche des élections de 2023 en RDC, il est probable que le gouvernement Tshisekedi rejette la voie du dialogue politique et poursuive sa stratégie mal avisée qui consiste à faire du Rwanda le bouc émissaire des nombreux maux dont souffre le pays, ceux-ci allant de l’incapacité du gouvernement à maîtriser la centaine de groupes armés qui pullulent dans le pays et à assurer la sécurité des citoyens ordinaires, jusqu’à son refus de rapatrier pacifiquement les centaines de milliers de réfugiés qui croupissent dans les camps de réfugiés, en passant par la diminution de la population de gorilles, dont certains membres ont trouvé refuge dans les pays voisins. En effet, il est plus sûr de supposer que Tshisekedi continuera à plagier le discours anti-Rwanda de Martin Fayulu plutôt que de se conformer aux recommandations et accords régionaux, car créer un ennemi extérieur contre lequel les Congolais se rallieront semble plus alléchant et plus facile à réaliser que d’honorer un processus régional qui, craint-il, mettrait un terme à ses ambitions politiques.

Pour cette raison, l’administration Tshisekedi a trompé le peuple congolais quant aux implications réelles de l’accord de Luanda signé en novembre 2022. Pour l’observateur attentif, les preuves de cette tromperie sont nombreuses. D’une part, il est évident, au vu des demandes répétées (pour que les troupes régionales récemment déployées quittent le pays) émanant de certaines sections de la société civile congolaise, que le gouvernement a présenté de manière erronée les objectifs de ces déploiements comme étant principalement militaristes et visant les rebelles du M23 alors qu’en fait, l’objectif premier de l’accord est de créer les conditions nécessaires au dialogue entre le gouvernement de la RDC et les groupes armés congolais, y compris le M23. En conséquence, la réticence des troupes kenyanes à affronter les rebelles du M23 a choqué une partie de la population congolaise et est utilisée par des acteurs mal intentionnés comme prétexte pour exiger leur départ.

D’autre part, le gouvernement de la RDC refuse d’admettre que pour que de telles conditions existent, il a accepté de céder temporairement sa juridiction sur certaines parties du territoire congolais a la force régionale est-africaine, ce qui signifie que les troupes gouvernmentales ne mettront pas les pieds dans les zones conquises par les rebelles du M23 tant que le dialogue politique envisagé n’aura pas porté ses fruits. Évidemment, du point de vue du gouvernement de la RDC, un tel aveu serait la goutte d’eau qui ferait déborder le vase – la fin de la courte et peu inspirante carrière politique de Tshisekedi et un tapis rouge déroulé aux promoteurs originaux du nationalisme congolais menés par Martin Fayulu. Ainsi, pour éviter ces retombées politiques, l’administration Tshisekedi a ordonné une série d’offensives au cours des deux derniers mois, destinées à reprendre le contrôle des territoires occupés par les rebelles du M23 avant qu’ils ne puissent être cédés aux troupes régionales. Malheureusement pour le gouvernment, cette violation de l’accord de Luanda a entraîné la perte davantage de territoires après des contre-offensives dévastatrices des rebelles du M23. À ce jour, la ville emblématique de Goma, qui était tombée sous le contrôle du M23 en 2012, est presque entièrement encerclée par les rebelles du M23 et coupée du reste du pays, alors que de vastes étendues des territoires de Rutshuru et Masisi dans le Nord-Kivu sont également sous le contrôle des rebelles.

Les contrecoups d’une politique malavisée

Pour Tshisekedi, rien ne se passe comme prévu. Les offensives militaires contre les positions des rebelles ont échoué et le moral des troupes congolaises est au plus bas. De plus, les ambiguïtés de l’accord de Luanda dont il a profité pour ordonner ces offensives et reporter indéfiniment les négociations ont été levées par la déclaration signée à l’issue du sommet de Bujumbura. En effet, l’armée de la RDC est désormais considérée comme une partie au conflit au même titre que le M23. Par conséquent, elle doit se conformer aux mêmes directives imposées aux rebelles du M23 et aux autres groupes armés. De fait, les violations de l’accord de Luanda par l’armée congolaise doivent être signalées aux chefs d’État. De même, le retrait des rebelles des territoires conquis n’est pas une condition préalable au dialogue comme l’annoncent à qui veut l’entendre, les responsables congolais. Au contraire, il sera accompagné d’un dialogue. C’est une pilule amère à avaler pour ceux qui s’attendaient à ce que les troupes régionales soutiennent les offensives menées par l’armée de la RDC et ses alliés – une coalition de milices locales, dont le groupe génocidaire FDLR.

Sur le front national, les espoirs de réélection de Tshisekedi s’évanouissent progressivement. D’une part, les revers militaires successifs ont radicalisé la clique nationaliste animée par la haine contre le Rwanda et contre les Tutsi sur laquelle Tshisekedi avait espéré s’appuyer en adoptant la rhétorique dangereuse de Fayulu. Pour cette section extrémiste du paysage politique congolais, ces revers sont une preuve supplémentaire de son incapacité à gouverner. D’autre part, un rejet de la politique divisionniste actuelle s’organise timidement sous la direction de son ancien allié, Moise Katumbi. Dans tous les cas, le contrecoup politique ne présage rien de bon pour son second mandat.

Sur le front régional, la stratégie consistant à blâmer le Rwanda pour les malheurs du Congo n’a pas donné les résultats escomptés, car la région semble déterminée à attribuer la responsabilité de la crise à qui de droit. L’étiquette de terroriste imposée par Kinshasa n’a pas non plus empêché le facilitateur est-africain du processus de paix de Nairobi, Uhuru Kenyatta, de rencontrer les dirigeants politiques du M23, une autre indication de la ferme intention de la région d’inclure le M23 dans le dialogue politique. Selon des sources crédibles, les chefs d’État ont rejeté l’idée que le M23 est un groupe terroriste et ont conclu que ses doléances étaient légitimes durant le mini-sommet de Luanda de l’an dernier.

À la lumière de tous ces éléments, tout homme politique raisonnable adopterait une nouvelle stratégie, et peut-être une stratégie plus conciliante. Il est toutefois fort douteux qu’après s’être donné tant de mal pour contrarier un voisin et contrecarrer les négociations avec le M23, Kinshasa choisisse la voie raisonnable.

La politique de la terre brûlée

Tshisekedi rentre à Kinshasa en homme frustré. Le gouvernement congolais a déjà publié un communiqué insistant sur le fait que les troupes régionales ont un mandat offensif et que le retrait du M23 des zones occupées est une condition préalable à tout dialogue politique. Ici, toute personne sensée se demande pourquoi Tshisekedi a accepté de signer la déclaration émise par le sommet des chefs d’État, pour ensuite contredire ses résolutions quelques heures plus tard. Plus inquiétantes que sa déception sont les menaces à peine voilées qu’il a proférées à l’encontre du commandant kenyan des troupes régionales en RDC, le général major Jeff Nyagah, dans une vidéo devenue virale sur Internet.

“Vous n’êtes pas venu pour favoriser le M23. Ce serait dommage que la population s’en prenne à vous. Vous êtes venu ici pour nous aider, pas pour avoir des problèmes”, a déclaré Tshisekedi au commandant militaire en présence du président kenyan William Ruto après le sommet, alors qu’il exprimait sa frustration face à la posture prudente adoptée par les troupes, sur l’aide desquelles Tshisekedi avait compté pour changer le cours de son aventurisme militariste.

Moins de 24 heures après cette rencontre, de violentes manifestations contre la présence des forces régionales – caractérisées par des attaques contre les Tutsi et leurs biens – ont éclaté dans la ville de Goma et, selon toutes les indications, Kinshasa continuera à inciter la population contre ces troupes dans le but de faire pression sur la région pour qu’elle soutienne l’option militaire contre le M23.

Si Kinshasa est effectivement déterminé à faire dérailler le processus de paix, une stratégie plus cynique et effrayante – consistant à inciter au meurtre de Tutsis congolais – n’est pas à exclure. Ces tueries ne laisseraient d’autre choix au M23 que de passer à l’offensive dans une tentative désespérée de sauver le plus grand nombre de personnes possible, un geste que par la suite, Kinshasa présenterait comme une violation de l’accord – une occasion en or d’enterrer le processus de paix. Ici, la vigilance et la détermination de la région seront nécessaires.

Un homme acculé est un homme dangereux. Espérons que la détermination de la région à ramener l’ordre dans la famille est-africaine l’emportera.

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